Ted venait de terminer de ranger la pile immense de grimoires que Mrs Pince lui avait confiée avec ce sourire charmeur qu'elle lui réservait. Décidément, cette femme n'était pas nette ! Elle semblait toujours roucouler de plaisir quand il était dans les parages et elle prenait un malin plaisir à lui parler pendant des heures de choses absolument pa-tio-nan-tes. Bon, il exagérait. Il fut un temps où il appréciait beaucoup Mrs Pince. Du temps de sa scolarité à Poudlard. Il n’était alors qu’un jeune adolescent bienveillant qui trouvait un certain réconfort à parler avec quelqu’un qui comprenait sa passion pour la littérature. Et puis Mrs Pince était toujours de bon conseil et elle savait toujours lui dénicher de grimoire auquel il n’aurait jamais pensé et qui se révélait être un pur chef-d’œuvre. Car oui, il n’y avait pas que des ouvrages scolaires dans cette immense bibliothèque. Il suffisait de fouiller un peu pour découvrir une véritable mine d’or ! Et c’est en partie pour cela qu’il avait choisi de suivre un stage ici avant de reprendre son travail au sein du Ministère de la Magie. Ca et la nostalgie qu’il éprouvait depuis qu’il avait quitté cet endroit magique qui l’avait tant fait rêver lorsqu’il était jeune…
Lorsqu’il plaça l’ultime ouvrage sur l’étagère, ses doigts butèrent contre un petit livre relié de cuir bordeaux qui lui sembla immédiatement familier. Il mit un moment à se souvenir mais les sensations prirent le contrôle de son corps tout entier avant même que son esprit n’ait pu se mettre en marche. Cette texture, ces coins cabossés, les traces de doigts sur la couverture. Une sensation de bien-être naquit en lui, puis un pincement au cœur qu’il ne s’expliqua d’abord pas. Enfin, comme une apogée à ce cheminement des sens, une image se matérialisa devant ses yeux et il se souvint de la douceur d’une main, d’un chatouillement de cheveux féminin contre sa joue, des fragrances divines d’un cou exquisément dénudé qu’il avait toujours connu… Victoire…
Les souvenirs l’envahirent aussitôt, le submergeant au point de le noyer. Il sentait qu’il étouffait, que ce n’était plus supportable. Une immense vague déferlait sur lui, une vague trop puissante pour lui, contre laquelle il ne pourrait lutter, il le savait. Pris au dépourvu, il se laissa tomber sur une chaise, le petit ouvrage toujours entre les mains et essaya de reprendre sa respiration. Il avait lu ce livre, il y avait de cela plusieurs années, mais cela lui semblait bien plus d’une éternité. Victoire aimait à suivre Ted entre les rayonnages de la bibliothèque. Il s’y étaient embrassés en cachette tellement de fois… Ils avaient découvert ensemble cet ouvrage minuscule lors de l’une de leurs escapades secrètes à la bibliothèque. Alors qu’ils étaient en train de s’embrasser, Mrs Pince était passée, et ils n’avaient trouvé d’autre moyen que de se plonger in extremis dans la contemplation des étagères. Voyant que la bibliothécaire ne bougeait pas et qu’il aurait été étrange qu’ils restent là à rien faire, ils avaient décidé silencieusement – un seul regard avait suffi – de s’emparer du premier grimoire venu. Et leurs yeux s’étaient posés au même instant sur cet adorable livre à la reliure de cuir bordeaux. Ils s’en étaient emparés, leurs doigts s’étaient frôlés et ils s’étaient installés pour le lire. Il n’avait rien de particulier mais il avait l’odeur de leur amour et c’est surtout le moment partagé qui avait marqué Ted et qui avait donné une connotation positive à l’ouvrage. Leurs doigts mêlés sur les pages vieillies de l’ouvrage, leurs deux corps rapprochés, ils essayaient de se cacher pour mieux rigoler de leur aventure. Ted se souvenait encore du sourire éclatant de Victoire à ce moment-là, de son rire silencieux, de la douceur de ses cheveux aériens qui venaient caresser sa joue au moindre mouvement de la jeune fille tellement ils étaient proches. Il se souvenait de tout, comme si c’était hier…
Perdu dans ses pensées, le jeune assistant bibliothécaire, tournait les pages sans les voir, s’arrêtant sur certains mots sans les comprendre. Les formes dansaient devant ses yeux et il était bien trop perdu dans ses pensées pour se rendre compte que quelqu’un venait d’arriver à son niveau, quelqu’un qui lui était familier, qui l’avait reconnue et qui s’apprêtait sans doute à venir le saluer…